1) Qui es-tu ?
Pas mal de monde à la fois, ce qui fait que c’est difficile de répondre à cette question !
Une petite fille, véritable garçon manqué, qui court partout ; une adolescente révoltée contre toutes les formes d’injustice et surtout les « exclusions » ; une lycéenne très investie dans son parcours scolaire ; une étudiante en décalage avec les autres car vivant déjà en couple et impliquée dans la vie et l’animation d’une association ; une jeune professeure enthousiaste ; une jeune mariée puis une jeune mère comblées ; une expatriée vivant loin des siens, de son pays, de sa langue natale mais découvrant une autre culture riche de nombreuses possibilités ; une femme blessée par le constat d’échec de son mariage ; une mère inquiète de savoir si l’éducation qu’elle donne à ses enfants est la bonne ; une divorcée de fraîche date qui fait face seule à tous les impératifs du quotidien et élève seule ses enfants ; une professeure malmenée par un système sourd et aveugle ainsi qu’un supérieur hiérarchique qui travaille « à la hussarde » ; une personne en souffrance ; quelqu’un qui a eu la chance de rencontrer des personnes extraordinaires tout au long de son parcours de vie ; une mère fière de ses deux « doudous » ; une professeure qui a repris la main sur son métier et l’exerce à nouveau avec bonheur ; une lectrice insatiable depuis ses six ans ; une passionnée de théâtre ; une slameuse ; plus récemment une fervente adepte du kayak ; et demain, qui sait … ?
2) C’est quoi le slam pour toi ?
C’est d’abord la rencontre inoubliable avec Barcella, un soir, à la maison de quartier du Flambeau et le désir de découvrir davantage cet univers du slam jusque-là inconnu. Mais l’envie dort pendant 5 ans…
C’est ensuite la rencontre de deux slameuses, Isa Edoras et Melie fait du mélo, qui enfin donnent la petite impulsion pour venir y voir de plus près.
C’est la première scène à l’affiche, et la découverte de la variété des slameurs : ce soir-là je découvre un espace de liberté d’expression comme il en existe très peu et le respect du public pour la personne qui parle quel que soit le texte donné à entendre, que l’on adhère ou pas…
Ce sont mes premiers textes de slam écrits et l’envie qui vient peu à peu de les partager à mon tour avec l’auditoire.
Ce sont les retrouvailles régulières avec des personnes que j’apprécie, des textes dont certains m’enchantent et les instants de pur bonheur partagés à ces occasions.
3) Quelles sont tes sources d’inspiration ? Comment te viennent tes idées de texte ?
Mon vécu, mes sensations, mes lectures, les musiques que j’écoute, ce qui me tient à cœur : tout peut être source d’inspiration…
Et pour ce qui est de savoir comment viennent les idées de texte, ça fait longtemps que j’ai cessé de me poser cette question ! Quand mon stylo me démange, quand je sens venir des phrases, j’attrape un papier et un crayon et j’écris… Souvent cela donne naissance à quelques lignes, parfois c’est un texte presque complet… Lorsque le temps me le permet, je retravaille… Je cherche rarement à «produire » quelque chose de particulier !
4) Le slam, tu le préfères avec ou sans notes ?
Je préfère sans notes, mais la notation ne me pose pas problème ! Je ne viens pas chercher une quelconque reconnaissance, je ne suis pas compétitrice dans l’âme… Si cela en motive certains, tant mieux !
5) Comme tout slameur, tu dois avoir un truc à dire en plus, non ?
Ben non, je n’ai rien à dire « en plus » ! J’aime les mots, j’aime les textes, j’aime les rencontres avec les univers plus ou moins personnels des unes et des autres ; et à n’être là que pour écouter sans jamais m’exposer moi-même, j’ai trouvé que c’était injuste : quand on reçoit, il faut aussi savoir donner ! J’aime avant tout le partage !
6) Un petit texte :
Je m’étais assoupie
Les yeux fixes, grands ouverts
Sur un monde imparfait
Une silhouette fine,
Avide et aveuglante,
Emergea du néant.
Elle vint se lover contre moi
- Je suis le désir qui te ronge…
Elle fut rejointe sur l’instant
Par une forme évanescente
Visible à peine sur le noir
De la nuit qui vibre et séduit.
- Je suis son absence de désir,
Le vide qui l’habite encore,
Strié de reflets du passé.
- Pourquoi me tourmenter ainsi ?
Et n’ai-je pas payé le prix
Déjà de ma folle tendresse ?
Quand serai-je enfin délivrée
Du lent venin de votre ivresse ?
Il est temps, laissez-moi tuer !
Mais sur ce pont berger troublant
Du fleuve bêlant des amants
Les deux spectres intérieurs
Ont fait l’éloge du bonheur
D’aimer à perdre haleine, la tête,
Et même le sens de la mesure.
Et c’est démesurée qu’elle est sortie de cette nuit
De bord du monde, couleur de gouffre amer.
Morgane du Tarn, octobre 2008