1/ Bonjour ! Qui es-tu ?
Salut Isa ! Je suis Matthieu, rémois de 41 ans, curieux dans tous les sens du terme.
2/ C'est quoi le slam pour toi ?
C'est un point de rencontre entre l'écrit et l'oral, entre la littérature et le théâtre, entre écrire pour soi et écrire pour les autres. Cela faisait longtemps que je cherchais à aller au-delà de l'écriture solitaire, à toucher des gens plus directement, et la facette "chronométrée" du slam m'a vraiment séduit : les contraintes sont stimulantes !
3/ Comment écris-tu ? Comment te viennent tes idées ? Qu'est-ce qui t'inspire ?
En slam ou ailleurs, je ne veux pas rentrer dans des cases, j'ai envie de surprendre. Donc quand je passe sur scène et qu'un texte semble plaire, je veux aussitôt écrire son opposé, passer d'un genre à l'autre. Je crois que ça me fait du bien aussi, de tenter de nouvelles difficultés... Souvent je jette quelques idées, quelques mots dans un fichier texte sur mon ordi, et je laisse mûrir ; je relis ces notes de temps en temps et avant de dormir d'autres idées viennent, des mots qui sonnent bien... Il faut juste s'en souvenir au réveil ! L'avantage de cette écriture progressive, c'est qu'à la fin je connais déjà mon texte presque par coeur. Mais parfois un texte s'écrit tout seul en 2-3 heures, comme "Le plein d'essence"... Je trouve (beaucoup) plus facile d'écrire de l'humour, en fait. Quant à ce qui m'inspire, heu... Tout ? La question que je me pose en premier c'est plutôt : est-ce un sujet que j'ai envie d'aborder avec une foule d'inconnus, et à propos duquel je peux dire quelque chose de nouveau, d'original, ou le dire autrement ?
4/ Un souvenir, une anecdote, sur une scène slam ou dans la salle ? Raconte !
Je crois que j'ai été marqué par le public à mon premier passage (en décembre 2021). Déjà, quand je me suis installé face au micro, j'ai vu énormément de sourires. C'était... rassurant. Puis, en commençant, je m'attendais à de l'étonnement ou de l'indifférence, à devoir enchaîner plusieurs blagues pour que ça bouge... Mais je ne sais pas ce qu'ils mettent dans leur bière à la Carto, des gens ont rigolé direct. Une femme a eu un fou rire, je crois que je me souviens encore de sa voix. Je pensais que le plus dur serait d'enchaîner après les vannes manquées, en fait c'était plutôt de ne pas rire et de rester imperturbable... On ne dira jamais assez à quel point l'attitude encourageante et bienveillante de l'équipe des Ateliers Slam déteint sur le public, et par conséquent permet à tous les slameurs de s'éclater sur scène.
5/ Un truc à ajouter ?
J'espère continuer encore longtemps à surprendre et émouvoir, tout en m'améliorant et en repoussant mes limites. Vu tous les beaux textes que j'ai entendus à la Carto ces derniers mois, je sens que je suis loin de me lasser du slam !
6/ Un de tes textes, un déjà entendu, on adore !
D'ac, alors ce sera un de mes tout premiers :
"La cinquième roue du carrosse" !
Quand t'as le spleen, la boule au ventre,
quand t'as tout bu et qu't'es en manque
quand t'es fâchée avec tes vieux,
quand t'as moins cent sur l'compte en banque
quand ta meilleure pote tombe enceinte d'un gars qu't'as jamais pu blairer
et qu't'as d'la bile à décharger… tu sais à qui tu peux parler
mais t'inquiète pas… j'suis là pour toi
mets-toi à l'aise, déballe tout ça
fixe les limites, c'est toi la boss moi...
j'suis la cinquième roue du carrosse
tu sais personne ne t'a demandé d'être la perfection incarnée
tu peux terminer la bouteille et m’faire confiance pour le réveil
quand il rentre tard et qu'il pue l'thon,
quand t'es jalouse d'une Jennifer
quand t'as envie de faire un gosse mais qu't'as pas mieux qu'un pqr
quand tu sais pas si c'est le bon,
quand t'es craq'love d'un homme marié
quand le karma veut t'entuber…
tu sais sur quelle épaule pleurer
t'inquiète donc pas ! J'ai l'habitude
d'être la cinquième roue du carrosse
donne les détails, fais pas ta prude
raconte-moi tout sur ces beaux gosses
tu sais les hommes moi j'les connais
c'est comme des chiots… faut les dresser
dirige-les… sans en avoir l'air
tu s'ras toujours leur deuxième mère
quand t'ouvres les yeux à 14h dans ton grand lit d'célibataire
quand l'plus grand amour de ta vie s'appelle Pupute et pisse par terre
quand tu troquerais ton bac+5 pour un diplôme d'esthéticienne
comme ça au moins tu pourrais p't'êt'
toucher des culs toute la semaine
oui... j'te comprends... ça devient pesant
d'avoir netflix comme concubin
d'voir toutes tes potes devenir mamans
et d'passer ta vie au turbin
alors tant pis… si ça fait mal
d'être la cinquième roue du carrosse
j'te consolerai... en non verbal
j'te cuisinerai une côte à l'os
tu sais, ici t'es à l'abri, tu sais qu'personne va te juger
c'que je sais d’toi, tes confessions, tes torts, tes vices… tes salissures
ce sera jamais utilisé pour t'affaiblir ou t'rabaisser
j'suis une béquille, pas une sangsue, là pour soutenir dans les coups durs
à défaut d'être ta raison de vivre, j'veux être un phare pour ton navire
un rocher sûr où t'accouder, ou même un guignol qui t’fait sourire
j'suppose que tu matches mon profil d'la meuf futée mais trop fragile
qui attire vers elle les chevaliers cherchant une fée à protéger
mais c'qu'elle veut, la fée, c'est vibrer
fuir la routine, se défoncer
beurrer la vie des deux côtés
tomber… pour mieux se relever alors… si les autres ont une chance
d'faire avec toi quelques pas d'danse
pour toi, j's’rai tout sauf une romance …
j'suis l'type à qui tu fais confiance
ton meilleur pote, ta bonne conscience
l'oreille fidèle de tes silences ton défouloir… ton confesseur…
ton pied-à-terre… ton extincteur
j'suis la cinquième roue d'ton carrosse
l'ami fidèle de la belle gosse
hors de portée des flèches d'Eros
oui…
la cinquième roue…
du carrosse.
Matthieu
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